Carnet

L’émotion en partage : Les mots pour le dire.

Chaque printemps, à l’heure des Primeurs, dégustateurs, sommeliers, experts, courtiers, négociants, importateurs, distributeurs, journalistes, venus du monde entier se rendent à Léognan, le long des routes étroites menant à la croupe la plus élevée de la Rive Gauche, là où s’étend le terroir exceptionnel du Château Haut-Bailly.

Sans ce terroir, sa situation géographique, son site géologique, les particularités pédologiques de sa croupe, son exposition, le patrimoine unique de ses vignes, plus que centenaires pour certaines, le vignoble ne produirait pas les raisins d’une grande finesse qui donnent son caractère si précieux au vin de Haut-Bailly. Et sans les équipes passionnées qui l’expriment et le subliment, ces femmes et ces hommes qui, dans les vignes comme au chai, sont les artisans d’un style tout en vérité et en authenticité, Haut-Bailly ne serait pas Haut-Bailly. Depuis toujours, les facilités et les excès de la mode passent, seul le style reste, et celui de Haut-Bailly est proprement intemporel, et si contemporain.

Nous avons donc demandé à un linguiste*, en prenant pour corpus les commentaires de dégustation d’avril dernier, d’identifier les formants de l’image perçue du millésime 2023, d’en extraire les lignes de force et d’indiquer ce que cette image dit de Haut-Bailly.

En majeur, la pureté, la finesse, l’élégance, la précision, le fruit, la saveur, la subtilité, la classe : ce portrait sémantique de Haut-Bailly, tel que dressé par la vingtaine de ‘signatures’ les plus notoires de la dégustation 2023, recoupe indéniablement la vision viti-vinicole exigeante que partagent les équipes du domaine

On relève quantité d’attributs nobles, sur lesquels la plupart des dégustateurs se retrouvent, quoique d’origines, de cultures et de langues différentes.

La précision, telle que la révèlent une « attaque précise », un « bouquet précis », un « vin précis », « a very precise, sinewy, lithe palate » ou encore le fait que « the palate is dense, focused and precise ».

La finesse, multidimensionnelle, que manifestent les « fines nuances boisées qui agissent en coulisses », « l’attaque qui annonce le vin avec délicatesse », « une version tout en finesse, expressive, d’emblée charmeuse, indéniablement svelte » livrant « un vin subtil et discret ». Finesse non moins soulignée par les journalistes étrangers (gardons en mémoire que Haut-Bailly exporte 90% de sa production dans plus de 80 pays) : « there’s a vibrancy paired with elegant, fine tannins, and purity and length », « much more about finesse than power », « so effortless » with « chalky tannins that are supple with finesse and grain ».

La pureté qui, on l’a souligné, est l’attribut central d’un « vin linéaire, pur » ou encore « extremely pure and delineated », suscitant « an incredible sense of purity and elegance » avec « the purity of fruit here » et aussi « purity of rose bud and liquorice »


La saveur du vin est célébrée, une « saveur pure, prenante » avec « un évident focus sur le fruit – baies rouges et cassis – et la fraîcheur », un « parfum charnel de pivoine rouge » et un jus « crémeux en bouche, (qui) dévoile la caresse veloutée caractéristique de Haut-Bailly ». L’enthousiasme des anglophones n’est pas en reste, qualifiant le vin de « so savoury and moreish » « so graceful and opulent with perfumed redcurrants, darker berries, dried herbs, flowers and tobacco ». « It waltzes out with showy scents of boysenberry preserves, stewed plums, and fruit cake, followed by underlying suggestions of Indian spices, menthol, graphite and lavender, with a hint of cardamom“. Lire ces commentaires fait saliver et donne à ressentir le bonheur éprouvé : l’émotion de la dégustation est bien là, offerte en partage.

La longueur charme et surprend, s’agissant d’ « un vin d’une rare persistance » offrant « une fraîcheur, une salinité et une élégance sensationnelles » et « plenty of hidden depths » tant « the full-bodied palate is rich and seductively plush, with layers of black fruits and exotic spices, plus mint and floral sparks, finishing long and fragrant » – une longueur exceptionnelle : « It boasts more grip and persistency on the finish than its peers, with a residual subtle pinch of black pepper »

La majesté, c’est-à-dire une grandeur et une noblesse qui imposent le respect : ainsi célèbre-t-on un Grand Vin vécu comme « voie royale », « plénitude et sérénité », « un Haut-Bailly puissant, profond, tonique…aux tannins vigoureux », « une grande réussite, qui confirme que les millésimes moins massifs conviennent à merveille à Haut-Bailly »… ou encore, dans la langue de Shakespeare, « a very serious wine », « sophisticated », prouvant s’il en était besoin que « this ranks as one of the standout wines in Pessac-Léognan, perhaps in Bordeaux itself. Outstanding. »

 La distinction qui fait la grandeur du domaine signe les éloges : « encore une fois, Haut-Bailly !» et sa légendaire « saveur distinguée », par quoi « l’identité du cru est parfaitement retranscrite »celle d’un Grand Vin qui « reste fidèle à son identité : bravo, superbement élégant » avec « this indeniable sense of class and finesse that define this château », « a wine that represents the new spirit of Bordeaux: understatement and class ».

Ainsi, des champs et réseaux sémantiques dominants dessinent des formants identitaires qui positionnent le domaine au centre de la Haute-Viticulture. Comme il y a les Maisons de Haute Couture, il existe Rive Gauche un temple de la vinification que le nouveau chai de Haut-Bailly incarne, délivrant des vins d’exception en termes d’élégance souveraine, de style singulier et de finesse.


Des niveaux de langue soignés, comme si l’élégance du sujet Haut-Bailly – le vin, le lieu, les gens – inspirait un registre d’expression soutenu

Il est frappant – cette année comme les années précédentes d’ailleurs – de voir à quel point le style des notes de dégustation n’est pas moins incomparable que le style du Grand Vin : il semble que, inspirés par la qualité de l’accueil qui leur est réservé, la beauté attachante des lieux, les vins qu’ils goûtent, les mets dont on les délecte à la Table Privée, bref : l’expérience globale qu’ils vivent, les visiteurs de Haut-Bailly – qui se disent toujours reçus comme des amis de la maison, et non de simples invités – livrent des papiers dont l’écriture est comme sculptée. Le ‘Dit du Haut-Bailly’ ici analysé en est la plus belle expression qui soit, en 2023 comme les années précédentes.

Chacun à sa manière,  les commentateurs s’expriment avec un soin sensible, visiblement soucieux de précision dans les termes utilisés, attentifs à l’esthétique verbale et au registre de langue choisi pour parler du domaine et de son vin. Qu’ils en soient ici tous remerciés !**

*Pascal Beucler, sémioticien
**Jane Anson, Yves Beck, Michel Bettane, Bernard Burtschy, Yohan Castaing, Louis-Victor Charvet, Pierre Citerne Béatrice Delamotte, Jeb Dunnuck, Antonio Galloni, Georgie Hindle, Chris Kissack, James Lawther, Jeff Leve, Ella Lister, Lin Liu MW, Alexandre Ma, Neal Martin, Clio Perrin, Lisa Perrotti-Brown, James Suckling, Jean-Marc Quarin, Adrian van Velsen, Tjark Wisser